Dans mon billet précédent, j’ai abordé le concept du transfert des apprentissages par le biais d’une conversation hypothétique avec un client interne faisant face à une problématique. J’ai conclu mon histoire sur le client qui avait acheté le concept: il VEUT que ses employés transfèrent leurs apprentissage dans leur boulot pour être plus performants (qui ne le voudrait pas?). Ce qu’il ne sait pas encore par contre, c’est que le transfert des apprentissages, ça va au-delà de la formation qu’il veut mettre en place. Pire encore: ça le concerne un peu… beaucoup!
3è défi du transfert des apprentissages: passer à l’acte!
Ah, entre vouloir apprendre, apprendre et mettre en pratique ce qu’on a appris, il y a bien plus qu’un pas! Soit, ça se fait… mais ça ne se fait pas n’importe comment. En fait, pour favoriser le transfert des apprentissages, il est intéressant de comprendre les différentes sources de motivation à apprendre des apprenants. Que se passe-t-il entre le désir et le passage à l’acte d’apprendre?
Depuis plusieurs années, la recherche démontre qu’une des clefs essentielle du passage à l’action pour un individu réside dans son sentiment d’efficacité personnel (auto-efficacy). Le sentiment d’efficacité personnel, c’est la croyance que possède un individu en sa capacité à réaliser ou non une tâche (Bandura, 1982, 1993).
Bien sûr, si les apprenants ne croient pas qu’ils peuvent obtenir les résultats qu’ils désirent grâce à leurs actes, ils ont bien peu de raisons d’agir ou de persévérer face aux difficultés que recèle l’apprentissage (Carré, 2004).
On s’emploie donc, lorsque l’on conçoit et anime une formation, à nourrir ce sentiment positivement et inciter les apprenants à passer à l’action en formation et après celle-ci, avec des activités :
- qui demandent un juste effort et valorisent l’expérience passée des apprenants;
- qui intègrent des exemples qui peuvent être observés puis imités par les apprenants;
- qui permettent et encouragent l’émulation entre les apprenants pour atteindre les objectifs;
- et qui comportent une juste dose de stress, permettant à l’apprenant d’apprécier sa progression et sa performance.
Bref: pas trop difficile ni trop facile, pas trop loin de mes succès passés, pas trop théorique, pas trop individuel ni trop collectif et pas trop stressant pour que je puisse constater que je suis capable d’apprendre et même que je m’améliore!
4è défi: il faut aller au-delà de la formation…
Ceci dit, nourrir le sentiment d’efficacité personnel ne se fait pas que pendant la formation. En effet, on sait que la motivation à prendre part à une activité de formation naît bien avant l’arrivée en classe ou le lancement d’une capsule e-learning. Il y a là une part plus «transactionnelle» à considérer pour répondre à la question légitime de l’apprenant adulte : pourquoi participer à cette formation? (Et cette question se pose parfois ENCORE PLUS quand ladite formation est obligatoire…)
À ce titre, la théorie de Vroom (1964) expectancy – instrumentality – value est particulièrement intéressante; selon cette théorie, la motivation à apprendre tire sa source de trois grandes perceptions :
- L’effort investi par l’individu dans la tâche mène à la réussite (attentes – expectancy);
- La réussite de cette tâche permettra à l’individu d’atteindre ses buts (instrumentalité – instrumentality);
- Ces bus sont importants pour l’individu (valeur – value).
Eccles et Wigfield définissent la valeur perçue comme l’appréciation subjective d’un individu relativement à ce qu’un apprentissage peut lui apporter. Cette perception repose sur quatre critères distincts :
- L’intérêt subjectif ressenti ou le fait que l’apprentissage est perçu comme intéressant;
- L’utilité perçue, soit le fait que l’apprenant perçoive une utilité entre l’apprentissage et les buts qu’il poursuit;
- L’importance, soit la cohérence ressentie entre l’apprentissage et les valeurs de l’apprenant;
- Le coût, soit les aspects négatifs liés à la quantité d’efforts nécessaires pour réaliser l’apprentissage.
La notion de valeur perçue est donc centrale si on vise le transfert des apprentissages post formation. Si pour moi l’atteinte de ces objectifs n’a pas vraiment de valeur, pourquoi y mettre des efforts? Et c’est là parfois que l’on a les échanges les plus vifs avec notre client. Car entre SA perception de la valeur et celle des APPRENANTS, il y a parfois un grand, un immense fossé…
Ce qui est bon pour l’organisation est-il bon pour les employés qui sont visés par la formation? Parfois oui, parfois c’est plus complexe à mettre en valeur.
Comme je l’ai mentionné dans mon billet sur l’évaluation de la formation, les différents acteurs de la formation, qu’ils soient chercheurs, apprenants, formateurs ou gestionnaires jugent les activités de formation selon leur propres critères et l’information qu’ils recherchent répond à des besoins différents.
Et ça, c’est une préoccupation qui à mon avis devrait être non-seulement au cœur des échanges avec le client, mais également influencer largement les stratégies de communication de la formation.
Et vous, qu’en pensez-vous?
Sources:
Albert Bandura, Auto-efficacité: Le sentiment d’efficacité personnelle, Paris, De Boeck, 2007.
Philippe Carré, De l’apprentissage social au sentiment d’efficacité personnelle: autour de l’œuvre d’Albert Bandura, coll. « Savoirs », 2004.
Roussel, J-F. (2011) Gérer la formation – viser le transfert. Guérin Éditeur.
Dionne, G. (2015) Apprentissage social et fondements de la motivation individuelle. LinkedIn.