Le défi des différents niveaux de gestion

Avez-vous déjà occupé une fonction de leadership et rencontré des défis particuliers? Avec le recul, vous avez peut-être vu certaines situations d’un oeil différent… Ou encore, vous avez connu ou côtoyé de près un nouveau leader qui en a «patiné un coup» à son entrée en fonction. Les organisations comptent différents niveaux de leadership, et chacun comporte sa part de défis: en voici un bref portrait.

Source: Pixabay.com
Source: Pixabay.com

Le défi des différents niveaux de gestion

Le concept de niveaux de gestion a été largement couvert dans la recherche et les publications de consultants. Je trouve intéressants les travaux du Pr. Elliott Jaques sur le concept de « Requisite organisation» (1) parce qu’on y aborde notamment la question des niveaux de management requis dans une organisation pour que celle-ci soit fonctionnelle et des conséquences lorsque ces niveaux ne sont pas implantés adéquatement. Ce concept a été largement repris et vulgarisé par Ram Charan et ses co-auteurs dans leur best-seller sur le thème du leardership pipeline (2).

L’essentiel à retenir au sujet des niveaux de gestion, c’est qu’ils sont essentiels au bon fonctionnement d’une organisation et ils imposent aux managers de développer leur capacité à mener et être menés: un ensemble d’habiletés, de comportements innés mais aussi appris. Ce concept met en lumière le défi de l’employé qui souhaite évoluer dans une fonction de gestion à adopter les comportements appropriés au niveau de management occupé ou visé. Exit donc le paradigme de l’expert technique qui peut «naturellement»  passer au poste de manager 1er niveau:  ce qui a fait son succès dans son rôle actuel ne sera pas nécessairement garant de succès dans son nouveau rôle. Si on considère uniquement cet exemple, on constate aisément qu’en devenant manager, la majorité du temps de cet individu ne sera plus consacré à son expertise technique mais plutôt à la gestion des relations au sein de son équipe pour atteindre la performance et les objectifs attendus. (3)

6 niveaux de défis

Mais où résident les défis inhérents au passage entre les différents niveaux de management? Pour ma part, je le vois principalement dans l’évolution de l’état d’esprit qui est à la source ensuite de nos comportements. Le changement de paradigme lorsque l’on accède à un nouveau niveau de gestion force également un changement dans les modèles mentaux… si cela ne survient pas le nouveau manager risque fort de se rendre jusqu’à l’épuisement à force de miser sur des comportements et une façon de voir son rôle qui n’est plus en adéquation avec les exigences de son poste (4).  Dans la section qui suit, je vais aborder pour chaque niveau de management la définition du niveau, le deuil à faire et le défi de l’état d’esprit relatif à ce niveau de management.

Le manager 1er niveau

Définition: superviseur ou chef d’équipe, il gère une équipe de contributeurs individuels.

Deuil: son expertise. Bien qu’il soit souvent promu à cette position en reconnaissance de son expertise comme employé et de sa capacité à construire une base de leadership sans autorité formelle, l’employé promu à cette position doit désormais engager son équipe dans l’expertise et s’engager lui-même dans ses nouvelles tâches de gestionnaire. Un passage difficile pour plusieurs qui conservent l’attachement à leur métier ou leur expertise!

Défi: passer de «je vais» à «nous allons»!

Le manager 2e niveau

Définition: gestionnaire senior ou chef de service, il gère une équipe de managers de 1er niveau.

Deuil: ne plus être directement responsable des résultats des contributeurs individuels. Son expertise en tant que manager de 1er niveau à engager son équipe à contribuer aux résultats se transforme: il doit désormais soutenir ses propres managers de 1er niveau à gérer efficacement leurs contributeurs individuels.

Défi: développer les compétences de gestion de ses managers pour que ceux-ci rencontrent leurs objectifs avec leurs propres équipes.

Le manager 3e niveau

Définition: directeur de département ou de fonction, il gère une équipe de managers de 2e niveau.

Deuil: pour se rapprocher de la direction exécutive de son organisation et mieux appréhender l’impact stratégique des actions quotidiennes de son équipe élargie, le manager promu à ce niveau doit délaisser une part du temps qu’il passe près des opérations. Pour plusieurs, il s’agit d’un deuil difficile car on ressent avec plus d’acuité à ce niveau la perte de certains détails dans le suivi des opérations: on s’éloigne du «plancher» pour créer un pont efficace entre la planification stratégique et les besoins des opérations.

Défi: gérer la complexité et mesurer l’impact global de son équipe élargie sur le fonctionnement de son organisation.

Le manager 4e niveau

Définition: directeur de territoire ou d’une unité d’affaires, il gère une équipe de managers de 3e niveau.

Deuil: délaisser à un niveau encore plus criant son expertise de départ. Dès lors qu’il accepte un tel poste, le manager de 4e niveau se retrouve à gérer plusieurs fonctions différentes et il se doit d’en coordonner harmonieusement le développement pour atteindre ses nouveaux objectifs. C’est l’abandon pur de «l’alma mater»: celui qui a évolué d’abord en tant qu’ingénieur ou spécialiste marketing se retrouve à gérer non seulement sa fonction «mère» mais également les RH, les ventes, la production…

Défi: gérer la complexité inhérente à la collaboration entre les différentes fonctions de son territoire ou de son unité.

Le manager 5e niveau

Définition: VP de groupe d’affaire, il gère une équipe de managers de 4e niveau.

Deuil: délaisser la création et l’exécution de la stratégie d’affaire pour plutôt valider et suivre cette exécution qui appartient désormais à ses managers de 4e niveau. Véritable courroie de transmission entre la fameuse «C-suite» et les managers de 4e niveau, le manager 5e niveau est souvent entre l’arbre et l’écorce et mise intensément sur sa capacité d’influence pour mener sa stratégie à bon port.

Défi: gérer un portefeuille d’activités qui parfois seront en compétition entre elles.

Le manager 6e niveau

Définition: exécutif de haut calibre, c’est un membre en règle de la «C-suite»

Deuil: l’équipe élargie. Plusieurs exécutifs et CEO mentionnent à quel point la solitude peut être lourde à porter dans leur fonction. De plus, pour obtenir un premier poste de CEO, plusieurs exécutifs doivent quitter une fonction de VP dans une grande organisation pour une plus petite, le temps de se construire dans cette nouvelle fonction. Dans ce cas cela peut être le deuil d’une organisation qui nous a vu grandir et nourri à bien des points de vue.

Défi: gérer la visibilité et la pression inhérente à sa fonction.

Conclusion

J’ai eu le privilège dans les 15 dernières années de côtoyer parmi mes clients, partenaires et collègues des managers de chacun des niveaux listés précédemment, dans des organisations privées, publiques et para-publiques. Bien que je me sois appuyée sur une part de références écrites pour rédiger ce billet, plusieurs éléments font aussi référence au vécu qu’ils m’ont partagé. Enfin, ayant également occupé des fonctions de manager, je peux personnellement corroborer moi aussi certains de ces défis et deuils!

Et vous? Avez-vous personnellement expérimenté ou côtoyé un manager qui vivait des défis et deuils dans un de ces niveaux de management? Qu’en avez-vous appris?

Moi, j’en retiens surtout qu’il faut planifier et vivre chacune de ces transitions et développer une capacité à s’observer dans l’action. Cette capacité est essentielle pour corriger rapidement le tir au besoin et éviter l’épuisement, corollaire des stratégies inefficaces.

1) Requisite Organization

2) The Leadership Pipeline: How to Build the Leadership Powered Company

3) Quoi faire pour être un leader performant?, par Geneviève Desautels, coach de gestion 

4) Les 100 premiers jours des managers et leurs équipes, par Mark de Wilde

5) The center for Association Leadership

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2 réponses sur « Le défi des différents niveaux de gestion »

  1. J’aime bien cette façon de voir les niveaux de gestion à travers le deuil et les défis : deux perspectives qui se complètent. Je trouve que cela fait ressortir le côté humain derrière les transitions.

    1. Merci de ton commentaire Marie! Au sujet du côté humain derrière les transitions professionnelles abordées dans ce billet, c’est justement cette perspective que je souhaitais faire ressortir. On oublie souvent ce que l’on doit laisser derrière lorsque l’on accepte de nouvelles fonctions; or, à mon avis cela fait partie intégrante de l’apprentissage du nouveau poste.

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